Cinq outils narratifs et trois questions
Pour chaque événement de votre roman, vous avez un premier choix à faire : écrire une scène ou faire un résumé narratif.
Quand vous écrivez une scène, vous plongez votre lecteur dans le moment. Quand vous écrivez un résumé narratif, vous lui dites rapidement ce qu’il s’est passé. On dit que si c’est important, faites une scène !
Aujourd’hui, je m’attarde spécifiquement sur l’écriture de scènes immersives, en vous parlant des cinq (et oui, seulement cinq) outils narratifs utilisés et en vous proposant trois questions pour adapter leur usage à votre pratique.
1. Cinq outils narratifs
Quand vous construisez une scène, vous n’avez finalement pas tant de briques que ça à votre disposition. Imaginez un mur avec des briques de cinq couleurs différentes, et c’est tout ! À vous de les agencer au mieux pour avoir le rendu recherché pour votre scène et l’impact voulu sur le lecteur.
👉 Les actions
Elle décrivent ce que font les personnages : ils bougent leur corps, ils se déplacent d’un endroit à un autre, ils saisissent des objets, ils regardent quelque chose, … et ce qu’il se passe autour d’eux : une voiture approche, une porte s’ouvre, …
Elles sont souvent la base de la narration. Elles montrent au lecteur des faits objectifs et faciles à imaginer pour comprendre ce qu’il se passe dans la scène. Seules, les actions peuvent être froides et donner l’impression de voir des Playmobils tenus par des enfants qui jouent. (C’est mon impression personnelle, en tout cas !)
Les actions sont adaptées pour tous les choix de points de vue.
👉 Les monologues intérieurs
Il s’agit de ce qu’il se passe dans la tête des personnages : leurs pensées, réflexions, opinions, …
Ils permettent au lecteur de comprendre et de se sentir proche du personnage. Cet outil est particulièrement intéressant si les pensées du personnage sont en désaccord avec ses actions, par exemple. S’il pense ce qu’il fait, alors cela peut faire doublon.
Les monologues intérieurs sont adaptés quand le point de vue est interne (que ce soit à la troisième personne ou à la première personne). À la troisième personne, on peut même les mettre en valeur en utilisant l’italique et en basculant à la première personne.
👉 Les dialogues
Les dialogues sont souvent l’outil narratif le plus délicat à manier. Il comprend bien sûr ce que se disent les personnages les uns aux autres, mais aussi les incises pour exprimer leur ton, l’expression de leur visage ou le langage de leur corps.
Les dialogues font entendre aux lecteurs la voix de votre personnage. Ils montrent d’où ils viennent, la diversité de leur vocabulaire, leur usage de l’argot ou encore le jargon issu de leur profession et de leurs passions.
Les dialogues sont le plus adaptés quand ils aident à exprimer et régler des conflits pour faire avancer les personnages et quand ils apportent de nouvelles informations aux lecteurs. Ils deviennent intéressants quand ils contredisent les actions et les monologues intérieurs. Ils sont donc souvent inutiles s’ils ne font que les confirmer.
Par exemple, si votre personnage pense Ah oui, je dois aller acheter du pain. Puis « Il sort dans la rue et se dirige vers la boulangerie. », où il croise son voisin à qui il dit « — Bonjour, je vais acheter du pain. », ce n’est pas intéressant.
Mais si tout ces éléments se contredisent, alors ça le devient !
👉 Les sensations/émotions
Les émotions sont un outil important de la narration. Ils rendent vos personnages humains et contribuent à créer de l’empathie entre eux et vos lecteurs.
Pour montrer leurs émotions, il est souvent conseillé de décrire leurs sensations physiques : « ses joues s’enflammèrent », plutôt que de dire platement comment ils se sentent : « elle se mit en colère ».
👉 Les descriptions
Enfin, la description des personnages, des lieux et des objets est un outil essentiel pour rendre votre scène immersive, rendre spécifique les éléments de votre histoire en incluant des détails originaux, qui ont du sens dans le contexte de votre roman et qui sont marquants. « Un bouledogue français borgne » est plus marquant que « un chien ».
Les descriptions aident le lecteur à visualiser la scène que vous lui racontez et permettent d’éviter ce que l’on appelle « le syndrome de la boîte blanche », qui crée l’impression pour le lecteur d’un dialogue ou d’une scène d’action qui se passe entièrement dans une boîte blanche tant on n’a pas d’éléments sur le décor.
2. Trois questions à vous poser sur les outils narratifs
👉 Quels sont vos points forts et vos faiblesses ?
On a tous plus ou moins de facilités avec ces outils. Certains auteurs adorent les descriptions détaillées des lieux, d’autres se concentrent plus naturellement sur les pensées ou bien sur les émotions. (Presque !) tout le monde a du mal à écrire des dialogues percutants.
Un petit état des lieux pourra vous aider non seulement à faire particulièrement attention à cet outil en relisant, mais aussi à faire des exercices pour vous améliorer et vous aider à sortir consciemment de votre zone de confort.
👉 Quel est votre style ?
Au-delà des compétences techniques, privilégier un ou plusieurs outils narratifs peut faire partie intégrante de votre style. Certains romanciers ont un style très sec avec des actions et quelques descriptions, sans trop s’attarder sur le monde intérieur des personnages, alors que pour d’autres, les pensées et les émotions sont primordiales dans leur façon d’écrire.
👉 Quels outils privilégier pour cette histoire (et ce genre) en particulier ?
Enfin, certains outils narratifs correspondent davantage à certains genres. Par exemple, une romance va mettre l’accent sur les sensations et émotions, alors qu’un roman d’aventure va contenir plus d’actions.
En conclusion,
On pourrait penser qu’une narration fluide et réussie contient tous ces outils de manière équilibrée. Mais, c’est en fait un savant mélange qui doit correspondre au genre de votre roman, à votre style et à vos capacités.
C’est aussi une grille de lecture intéressante quand vous relisez votre histoire. Un exercice souvent révélateur est de surligner en cinq couleurs différentes les cinq outils narratifs d’une scène, puis de noter visuellement comment vous les utilisez spontanément pour comprendre comment vous pourriez améliorer votre recette !


Photo de Ksenia Makagonova sur Unsplash