Écrire le suspense : à vos risques et périls !

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Tout l’objectif d’une romancière est de maintenir l’attention de son lectorat. Bien sûr, le suspense et la tension sont particulièrement importants dans les thrillers, les polars ou l’horreur. Mais finalement, il est nécessaire d’écrire le suspense dans tous les genres de roman, dans le sens où la lectrice doit avoir envie de continuer sa lecture.

En effet, le lecteur doit être intéressé par la question narrative que pose votre roman. Votre objectif, en tant que romancier, est qu’il n’abandonne pas votre livre en cours de route ! La question doit être clairement posée, la réponse bien donnée à la fin et entre les deux, un fil de suspense et de tension doit être tiré (comme une corde à linge !) Et pour cela, il est nécessaire de se demander comment écrire le suspense dans votre roman.

Dans cet article, je vous explique deux manières d’écrire le suspense pour maintenir l’intérêt de votre lectorat. La seconde est plus difficile et fait souvent partie des retours que je fais aux auteurs débutants dans ma prestation de bêta-lecture.

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écrire le suspense

1. Écrire le suspense pour le personnage

Le premier type de suspense

est celui lié directement au personnage et à son histoire. Il consiste à mettre le personnage dans des situations tendues, effrayantes ou inconnues pour lui.

Quand on lit, on est avec le personnage, souvent d’un point de vue interne, c’est-à-dire à la première ou la troisième personne, mais avec un accès à ses pensées, ses émotions et ses sensations. On se sent proche de ce qu’il vit. On en fait l’expérience et on le ressent avec lui.

La tension vient de la situation dans laquelle se trouve le personnage, de ses dilemmes internes, de ses décisions et des risques qu’il prend.

Quand on écrit ce type suspense, le lecteur connait au moins autant d’informations que le personnage. Il peut en connaître plus si le narrateur est omniscient ou si les scènes alternent entre les points de vue internes de plusieurs personnages.

Écrire le suspense, dans ce cas, veut dire que la résolution

vient de ce qui arrive au personnage. Réussit-il ou non à atteindre son objectif ? Comment s’en sort-il ?

Un exemple

👉 Le silence, de Dennis Lehane : dans le Boston des années 70, on suit une mère à la recherche de sa fille disparue. La tension vient des découvertes successives de la mère, on est avec elle dans sa recherche jusqu’au dénouement final. Ce roman est mon préféré de l’année 2023.

2. Écrire le suspense pour le lecteur

Dans le deuxième type de suspense,

il y a un jeu entre l’auteur et le lecteur et ça se complique.

Il ne s’agit plus seulement de mettre le personnage dans des situations pleines de tension. Cette fois, c’est la narratrice qui cache intentionnellement des informations à la lectrice. Le suspense, la tension et les rebondissements viennent de révélations que la narratrice fait à la lectrice. Le personnage, lui, avait l’information. Ou alors cet élément existait depuis le début dans l’univers narratif. L’autrice l’a caché à la lectrice intentionnellement pour créer un effet de suspense ou de surprise.

Mais ce petit jeu narratif est beaucoup plus difficile à maîtriser que le premier type de suspense, parce qu’il nécessite de créer une confusion, tout en ne décourageant pas le lecteur. Par exemple, il peut s’agir d’un élément du passé du personnage que le lecteur ne connait pas, mais que, évidemment, le personnage connait. Dans ce cas-là, le lecteur peut ne pas comprendre les décisions du personnage et trouver cela frustrant et c’est cela qui crée le suspense. Le lecteur continue sa lecture parce qu’il veut savoir pourquoi le personnage prend ces décisions et pourquoi il agit ainsi.

Écrire le suspense, dans ce cas, veut dire que la résolution

vient de la révélation sur le personnage et sur sa situation.

La narration est alors bien plus difficile puisqu’il y a deux couches narratives : ce que le personnage vit et ce que la lectrice perçoit. Les deux doivent être cohérentes et doivent se rejoindre à un moment donné et créer un déclic. C’est l’écart entre ces deux couches narratives qui crée la tension à la lecture.

Quand c’est bien fait, c’est génial, parce que les révélations sont fortes et l’auteur a réussi à jouer avec le lecteur qui a alors un double plaisir de lecture : celui de l’histoire du personnage et sa propre expérience de lecture et de découverte.

Pour écrire le suspense de cette manière, on peut utiliser un narrateur non fiable à la première personne ou un narrateur omniscient qui choisit quelles informations révéler au lecteur.

Mais le risque est la confusion à la lecture et la perte d’intérêt de la lectrice, qui n’a pas tous les éléments en main. Elle doit faire confiance à l’autrice tout au long de l’histoire. Si la lectrice perd confiance, alors elle abandonne la lecture.

Trois exemples

👉 Sukkwan Island, de David Vann : dans lequel une révélation est faite au lecteur, qui change tout. Le personnage, lui, avait l’information. C’est bien la perception du lecteur qui change, parce que l’auteur a caché une information essentielle au lecteur et la révèle ensuite. J’ai lu ce roman à sa sortie il y a presque dix ans et je suis encore traumatisée ! Lisez-le à vos risques et périls !

👉 Dans son silence, de Alex Michaelides : en Angleterre, dans une clinique psychiatrique, un jeune médecin ambitieux analyse une femme traumatisée par l’assassinat de son mari.

(Dans ces deux cas, la narration est à la première personne et il s’agit d’un narrateur non fiable.)

👉 Le choix de Sophie, de William Styron : à New York, à la fin des années 40, on suit un homme et un femme qui tombent amoureux. Le suspense repose sur le comportement étrange d’un personnage dans le présent et la résolution vient de la révélation d’un élément de son passé (qu’elle connait bien sûr et que le lecteur découvre). Ce roman a un narrateur omniscient qui omet de révéler les souvenirs d’un personnage jusqu’à la révélation finale. Ce roman est un classique à lire absolument.

En conclusion,

En écrivant le suspense, ne confondez pas cacher des informations au lecteur en tant qu’auteur ou cacher des informations au personnage dans le cadre de l’intrigue.

La première option, si elle n’est pas bien maitrisée crée souvent de la confusion. De mon expérience de bêta-lecture, pour écrire le suspense, il est souvent suffisant de rester avec le personnage, qui ne sait pas tout et cherche à découvrir quelque chose.

Le second type de suspense est pertinent si tout l’intérêt de l’histoire repose sur le rebondissement ou la révélation sur le personnage ou sur l’univers narratif. Dans ce cas-là, tout le roman est construit pour mettre ce grand moment en valeur.

👉 Mais si l’auteur cache seulement des informations au lecteur pendant quelques chapitres, comme une béquille pour maintenir l’intérêt du lecteur et créer du suspense, alors le rendu est souvent superflu et artificiel. 👈

Posez-vous ces questions sur votre histoire en cours :

➙ Comment maintenez-vous l’attention du lecteur dès le début de l’histoire ?

➙ Est-ce en jouant avec lui sur les informations que vous lui donnez ?

➙ Ou est-ce en mettant votre personnage dans des situations pleines de suspense ?

➙ Si vous cachez des informations au lecteur juste pour créer du suspense, allez-vous jusqu’au bout dans le procédé en créant un moment fort de révélation, rebondissement ou retournement de situation ?